Korakrit Arunanondchai
the blood of the earth

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Le Consortium
Curated by Franck Gautherot & Seungduk Kim
Korakrit Arunanondchai, "nostalgia for unity", 2024. Courtesy Bangkok Kunsthalle.

Né en 1986 à Bangkok, Thaïlande. Vit et travaille entre New York et Bangkok.


Soutenu par la M Art Foundation dans le cadre de son appui au programme Asia Pacific Society for Consortium Museum.
Avec le soutien de Bonandrini.


 

I am not saying we are powerless. I am no longer interested in power. I am asking, who is it that we pray to? Are these prayers meant to unite us with our legitimate rulers or do they only take us somewhere further away?

Korakrit Arunanondchai est un artiste thaïlandais, né en 1986, qui sépare sa vie entre les continents, les opportunités de résidences de production et les lieux d’expositions, déjà très nombreux dans son répertoire de jeune artiste "under 40".
Vivant entre Bangkok et New York, il a étudié à la RISD de Rhode Island et à Columbia University.

La peinture, les films single et multi-channels, les environnements dystopiques baignés de couleurs orange et de brouillard, font partie d’un vocabulaire patibulaire où la typo néo-gothique aligne des mots de prières qui sonnent pour ainsi dire comme des invocations maléfiques.
Dans le kitsch sci-fi, il est celui qui s’est affranchi des parrains puissants de la scène thaï-internationale qui, de Tiravanija à Weerasethakul en périphérie de Rawanchaikul, a bâti sur le flanc sud-est une incomparable nouveauté continentale.

En piste depuis une bonne dizaine d’années, Korakrit Arunanondchai a parcouru de ses envahissantes expositions les meilleurs lieux de l’art d’aujourd’hui, sur à peu près tous les continents, le conduisant du Palais de Tokyo, en 2015, au SMAK de Gand, 2016, au Museu Serralves à Porto en 2020 ou encore au Singapore Art Museum en 2022, pour ne citer que quelques apparitions ici ou là.

Avec une flexibilité certaine, usant de rituels post-mo, comme celui du "Ghost cinema" en cours dans le nord-est de la Thailande où des moines projètent des films sur les murs des temples pour un public de fantômes. Les villageois sont invités à partager ces projections avec les fantômes.
En fait, durant la guerre du Vietnam, les soldats américains utilisaient des projecteurs 16mm mobiles pour effrayer les villageois en projetant des flash de lumière dans la forêt à la nuit tombante comme si des fantômes en colère leur interdisaient de bouger.

La peinture portant trace d’agressions violentes mais colorées, à la fois comme réponse commerciale demandée mais d’abord comme parties de dispositifs plus englobant où les vidéos, les sculptures mannequins bariolés sont au service d’un spectacle total se dupliquant au fur et à mesure des lieux d’accueil, pour de longues séries telle No history in a room filled with people with funny names ou les Songs for Dying / Songs for Living

Ici, en Bourgogne, terre réfractaire aux chamanes mais riches de rituels viti-vinicoles qui en biodynamie ne sont si éloignées que ça des cultures pré-cartésiennes, la proposition d'Arunanondchai, a pris en otage le grand cube blanc.

Le mélange approprié d’une stratégie artistique – minimalisme matièriste – comme si la Earth Room1 de Walter de Maria s’était caramélisée en une croute noire brillante craquelée sur toute la surface impartie. C’est l’enjeu de blood of the earth, à l’œuvre ici, qui est de rompre la platitude du sol habituel par le jeu d’une surface étale et croutée parsemée de mots émergeant en un rectangle périphérique qui borde en une litanie loopée  A song to survive reality   The Ghost takes us by the hand   Decompose   The Blood of the earth   Connects us all  in the landscape of mourning  The sky is drenched in flames  The sea of consciousness   Will recreate this world  With unanswered prayers   Let there be splendor   Beyond the upheaval   Love after death… "

Sous une lumière orangée de vapeur de sodium qui monte et descend depuis le grill technique de la salle, ajoutant un mouvement coloré qu’un brouillard vient partiellement oblitérer, le sol accessible aux visiteurs est devenu la lave durcie et fragmentée d’une éruption oubliée.
Une nappe de son mixée est, comme le brouillard et la lumière, pilotée par un programme informatique.
Le laconisme spectaculaire d’une surface durcie, fendillée, reluisante s’est augmenté d’une structure narrative lumino-cinétique site-specific prise en compte de la grande hauteur de la salle quand dans les précédentes occurrences de cet environnement, le déploiement se faisait à l’horizontal2.

Dans la video Songs for Living, 2021, le chamane kaoliné psalmodie d’une voix éteinte ce mantra:
"The two forces that rule the universe are gravity and light"

Dont acte!

– Franck Gautherot & Seungduk Kim

1. Walter de Maria, The New York Earth Room, 1977, est installée au deuxième étage d’un immeuble au 141 Wooster Street à New York. Elle est accessible au public depuis sa création. C’est la troisième occurence de cette sculpture de terre, dont la première version a été installée à Munich en 1968, la deuxième en 1974 à Darmstadt. C’est la seule restée permanente.
Elle occupe une surface de 335 m2 pour un poids total de plus de 127 tonnes.
C’est la Dia Art Foundation qui est à l’origine de ce projet.

2. En 2024, les précédentes apparitions de ce type d’environnement ont été vus : Museum MACAN, Jakarta, Indonesia, 2024, Nostalgia for unity, Kunsthalle Bangkok, 2024, Image, Symbol, Prayer, Kukje Gallery, Seoul, 2022