Nicolas Ceccaldi
Hymne à la joie
Nicolas Ceccaldi (1983, Montréal, Canada)
Avec le soutien du Centre culturel canadien, Paris ; Ambassade du Canada en France ; House of Gaga, Los Angeles & Mexico ; Real Fine Arts, New York ; Neue Alte Brücke, Francfort
Conçue pour Le Consortium, l’exposition de Nicolas Ceccaldi rassemble une série d’œuvres inédites, autour d’un élément central : une bande sonore composée de pièces musicales réinterprétées par l’artiste à partir de fichiers MIDI et de l’apprentissage en autodidacte d’un nouveau logiciel, une version demo de FL Studio.
Le projet musical de Nicolas Ceccaldi s’inscrivait initialement dans le champ de la musique ambient dite « dungeon synth », retravaillant des compositions préexistantes provenant de diverses sources, notamment des bandes originales de jeux d’aventure des débuts de l’informatique (Ultima Underworld, Sierra Entertainment, etc). Ces remixes, qui ne figurent pas dans l’exposition, seront destinés à être diffusés ultérieurement sous couvert d’anonymat. Au cours de ses recherches, alors qu’il perfectionne ses aptitudes techniques, Ceccaldi élargit ses sources d’inspiration aux compositeurs de musique classique : entre autres Franz Liszt, ou encore Henry Purcell, en hommage à Wendy Carlos, auteur de la BO du film Orange mécanique.
Cette brève carrière musicale, qui s’étend entre juillet et octobre 2017, marque un tournant majeur dans l’œuvre plastique de Nicolas Ceccaldi, une transition du gothique au baroque, qui se caractériserait par des effets d’exagération, une surcharge décorative, des effets dramatiques de tension et d’exubérance. Au centre de la pièce, une installation sculpturale invite les visiteurs à s’asseoir pour écouter une sélection de morceaux, parmi lesquels l’Hymne à la joie de Ludwig Van Beethoven. Le dispositif est une représentation à la fois sensorielle et figurative de l’isolement qui a accompagné la réalisation de ces ambiances sonores.
La croix latine inversée, ou croix de Saint-Pierre (l’apôtre aurait été crucifié à l’envers), s’est répandue dans la culture populaire comme effigie anti-chrétienne. Symbole purement négatif, son contenu intrinsèque se réduit à désigner la croyance qu’elle entend renier.
Les œuvres présentées par Nicolas Ceccaldi se situent dans la continuité de cet usage erroné de la croix de Saint-Pierre : un geste littéralement hérétique mais aussi la manifestation stéréotypique de ce que la peinture moderne a pu produire d’inversions, de renversement des valeurs du haut et du bas, d’opérations de greffe, de détournement, et de répétition du motif.
En s’appropriant d’authentiques artefacts religieux et par le traitement stylistique gothique puis baroque, Nicolas Ceccaldi évoque un satanisme dans sa version ecclésiastique dont l’origine remonte à l’Église de Satan fondée par Anton LaVey en 1966. Cette église pourrait être assimilée à une excroissance occulte de la contre-révolution néolibérale : en réponse à un monde en crise, la doctrine de LaVey place l’être humain, réconcilié avec sa profonde nature animale, au centre d’un univers amoral et propose à ses adeptes développement personnel et individualisme exacerbé en guise de salut collectif. Dans le contexte de la présente exposition, le motif satanique excède le cadre occulte et devient une allégorie kitsch de la création artistique comme activité professionnelle.
Ces variations et dissonances qualifient tout l’univers de Ceccaldi, un monde issu de la métamorphose où se côtoient l’esprit du baroque, son inactualité paradoxale, mais aussi les rebuts de la production industrielle, dans un processus infini qui détourne et recycle l’histoire des goûts et des styles, le générique et l’unique, les modes de saisie, de réception et de croyance.
—Stéphanie Moisdon