Lawrence Weiner, Reiner Ruthenbeck
Lawrence Weiner, Reiner Ruthenbeck

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Le Consortium
Lawrence Weiner, exhibition view "Lawrence Weiner, Reiner Ruthenbeck", Le Consortium, 1985
Lawrence Weiner, exhibition view "Lawrence Weiner, Reiner Ruthenbeck", Le Consortium, 1985
Reiner Ruthenbeck, exhibition view "Lawrence Weiner, Reiner Ruthenbeck", Le Consortium, 1985
Reiner Ruthenbeck, exhibition view "Lawrence Weiner, Reiner Ruthenbeck", Le Consortium, 1985

Lawrence Weiner (1942,  New York)
Reiner Rüthenbeck (1937, Velbert, Allemagne – 2016, Ratinent, Allemagne)


Laurence Weiner
Three sculptures. Trois inscriptions elliptiques :
Beside the point/à côté du point – Under the line/sous la ligne– A mass of iron tapped sufficiently to induce the acquisition of the properties of the lodestone lying next to it/un bloc de fer suffisamment frappé pour attirer et retenir les propriétés de la pierre d’aimant qui se trouve à côté.

Trois morceaux de phrases qui évoquent pour l’artiste, mais aussi pour chacun de nous, une prise de conscience de l’espace, et une certaine expérience de la nature, du comportement des matériaux.

Des mots en grandes capitales, rose pour l’anglais, vert pour le français, tracés au pinceau à main levée, qui s’organisent en compositions : à côté du point s’inscrit dans un rectangle en réserve, à l’extrémité d’un mur peint en rose ; une large bande horizontale en haut d’un autre, rose lui aussi, offre à voir l’inscription sous la ligne et une paroi blanche accueille le texte un bloc de fer… Certains piliers de l’espace d’exposition sont peints en rose. L’ensemble constituant sans doute l’une des expositions les plus étrange de Lawrence Weiner. Une exposition à propos de laquelle René Denizot écrivait dans Plus n°2 : « Écrire à la main, écrire à la machine ; on pourrait dire laver. Mais la différence n’est pas entre main et machine. Elle est le propre de l’écriture, qui dispose de la main comme de la machine, noir sur blanc, sans rivalité, en toute indifférence aux moyens et aux couleurs. Écrire est un acte dicté de A à Z, un acte de copiste, dont le caractère est imprimé. L’impression qu’il laisse est l’imprimé. L’invention de l’imprimerie libère l’écrit des inflexions du geste, des flexions de la main, du fléchissement manuscrit vers la calligraphie, la signature autographe ou le graffiti. L’imprimerie rend à l’écrit la justice de l’écriture. Elle restitue la littéralité du code, sans laquelle le génie de la langue n’aura rien de décisif. La main est moins mécanique que l’écriture n’est machinale. Elle répugne à se laisser faire et refaire par l’écriture. Elle maquille ce qu’elle manipule. Le manuscrit use des conventions de l’écriture pour les mettre au service de la main. Mais que sert la main ? Elle se donne au désir qu’elle caresse d’être prise pour la main de Dieu. Faute d’écriture sainte, elle garde la mainmise sur l’image de la création. Elle met sa griffe sur le vernis des mots. En guise d’écriture, le rose et le vert font des grâces de manucure. »
— Anne-Laure Even


Reiner Ruthenbeck
D’avril à mai 1985, était présentées simultanément au Consortium deux expositions personnelles – Lawrence Weiner et Reiner Ruthenbeck. Ce dernier présentait trois pièces : Kreuz, une croix dont les bras tendus caractérisent une forme ouverte correspondant parfaitement au choix de sa présentation, à l’extérieur de l’espace d’exposition proprement dit ; par opposition aux particularités formelles de Weisser Papierhaufen, un tas fait de 600 feuilles de papier froissées, ramassé sur lui-même selon une configuration conique et délibérément confiné dans une petite salle, à laquelle on accède par quelques marches ; et enfin Arche Noah, un projet formulé dès 1970 et qu’il réalise ici pour la première fois, qui se particularise au contraire par l’autonomie des objets qui le constituent. Sur le principe selon lequel Noé sauve l’humanité du déluge, Reiner Ruthenbeck, dans Arche Noah (1972-1985), constitue des couples de divers objets utilitaires et manufacturés : deux parapluies, deux oreillers, deux balais, deux échelles, deux vélos, deux réveils, deux marmites.

Jouant sur l’apparence jumelaire de ceux-ci, les objets réunis par paire s’avèrent être résolument identiques : ainsi ne perdez pas de temps à chercher l’erreur, il n’y en a pas ; pas plus, semble t-il, que de narration ou de signification cachée relative au choix des divers éléments.

Les données architecturales du lieu d’exposition et plus précisément les poteaux métalliques structurant l’espace, semblent particulièrement appropriées à la présentation de cette pièce. Ceux-ci, en délimitant une zone dans un ensemble plus vaste, cloisonnent l’œuvre dans une sorte de galerie à l’intérieur de laquelle l’artiste peut décliner ses objets selon un subtil agencement entre équilibre et tension : à l’image des balais qui tomberaient s’ils n’étaient pas maintenus par les poteaux. Ici Ruthenbeck se joue parfaitement des contraintes architecturales et bien au-delà en tire profit – comme l’indique Amine Haase il « utilise l’espace comme objet » – il opère ainsi une mise en situation de l’œuvre, qui elle-même se trouve re-définie dans ce rapport à l’espace.
— Stéphanie Jeanjean