a'driane nieves
Let's dance our way back home
Née en 1982 à San Antonio, Texas, USA. Vit et travaille dans la région de Philadelphie, USA.
Avec le soutien de la galerie Marguo, Paris
La peinture a besoin des héros quotidiens, extraordinaires cavaliers de l’apocalypse picturale
L’exposition présente une série de nouvelles peintures créées pour le (grand) cube blanc devenu dans l’histoire du Consortium Museum, la white box. Un cube d’environ 10 m d’arête, avec un mur en double courbe, convexe et concave qui donne une sensation de quasi vertige optique que les artistes invités là, n’ont pas immédiatement le réflexe de s’approprier.
a’driane nieves, d’emblée a eu le grand désir de le jouer dans sa partition de peintures fraîches programmées pour lui, le cube.
Ce cube, autonome dans le parcours topographique des salles du rez-de-chaussée, est pour la première fois utilisé dans toutes ses dimensions et la verticalité en est une qui compte ici.
Les fines dialectiques horizontale/verticale, planaire et curvilinéaire ont permis à l’artiste, non seulement de situer ses peintures mais de les constituer dans une stratégie formelle et colorée parfaitement maîtrisée.
a’driane nieves est née en 1982 à San Antonio au Texas, elle vit avec sa famille dans la banlieue de Philadelphie. Peintre et écrivaine, après un passage dans l’armée de l’air américaine, et des séquelles neurologiques subséquentes, a’driane a fondé le Tessera Arts Collective dans le quartier de Kensington dans la banlieue Nord de Philadelphie. Une organisation qui soutient les artistes femmes Black, Indigenous, Latinx, Asian and Pacific Islander (également queer, trans, femme) et les artistes abstraits non-binaires pour leur trouver la place qu’iels méritent dans le monde de l’art.
Sa pratique de peintre autodidacte depuis une quinzaine d’années lui confère une place particulière sur la scène actuelle de l’art abstrait. Influencée par les Abstraits expressionnistes telles Joan Mitchell, Bernice Bing et les artistes noires de ce courant comme Alma Thomas et Mary Lovelace O’Neal, a’driane nieves croit avec force au pouvoir de l’abstraction tant par son langage formel et ses compositions pour vaincre les traumatismes de son enfance et créer un espace apaisé où ses émotions longtemps refoulées pourront s’épanouir.
La peinture peut-elle aller au-delà de ce qu’une performance à haut degré de concentration permet d’accomplir, thérapeutiquement parlant ? Elle le doit à l’art et à son histoire puisque a’driane a décidé de s’y inscrire avec courage et perspicacité.
La dimension performative affleure à la surface picturale et il serait un jeu, laborieux, délicat, et vain, que de calquer chaque couche de signes colorés selon leur apposition dans le temps de l’élaboration du tableau et ainsi en suivre la genèse.
Y trouverait-on un plan ou une stratégie de sélection des couleurs, teinte après teinte ? L’improvisation, comme au moment glorieux du free jazz, s’appuie sur la maîtrise et l’ouverture, sur la constance et l’écart dissonant ?
Les fonds monochromes, choisis de couleurs pastel ou laissé au blanc de la préparation de la toile de lin, sont disposés à accueillir les traits gribouillant de toutes les couleurs brossées ou calligraphiées au doigt – et à l’œil – de l’artiste.
Ce cube blanc, pour qui veut bien s’en approprier tout le volume, mérite la confrontation au-delà de la simple ligne médiane d’accrochage à hauteur de l’œil du visiteur idéal.
Dérouler et suspendre à plus de 7 m de haut une toile libre enchevêtrée de lacis de tortillons colorés qui se brise au sol pour y finir ou commencer à quelques 150 cm du mur.
Les images qu’a’driane a bien voulu nous partager montrent le flot de lin gribouillé à même l’allée bétonnée qui mène du garage de sa maison d’une banlieue middle-class de Pennsylvanie à la voie principale du lotissement. Un street art temporaire en guise de studio de plein air, où a’driane a dû batailler entre pudeur et arrogance pour oser le travail au vu et au su des voisins.
Pollock de trottoir, Mathieu de banlieue, la peinture de nieves pour le mur courbe a l’audacieuse assurance d’un poème visuel – pensez aux Last Poets, calligraphistes de paroles – signé sur le hallway d’un pavillon familial.
Pour citer a’driane, se référant au titre de l’exposition : “Le texte que j'ai imaginé pour la peinture au néon, Let's dance our way back home, est inspiré du recueil de poèmes de l'écrivaine Alice Walker, Hard Times Require Furious Dancing ("Les temps difficiles requièrent une danse furieuse"). Je n'avais pas l'intention à l'origine d'en faire le titre de l'exposition. Cependant, le livre de Walker est l'un des quelques livres qui ont inspiré les peintures de l'exposition, en particulier celle que je viens d'achever. J'espérais qu'une référence à son titre serait une façon de le reconnaître.”
Écrire pour se préparer à l’assaut de la toile, confier au secret des pages A3 d’un livre de brouillon, c’est ce qu’a’driane poursuit en marge des expositions. L’ écriture est déjà calligraphiée – sans en faire un plat mystique orientalisant – cursive et grasse du trait d’un pastel, les phrases sont composées comme les peintures, figuratives et versant en partie vers le dessin, vers la peinture. D’une commune discussion est née l’idée d’avoir quelques doubles pages prélevées et épinglées à proximité immédiate du torrent de peinture verticale, prolongée par l’exposition du livre lui-même dans le rond central de la librairie du Consortium Museum. Consultable par tout un chacun, il se trouve en bonne compagnie d’un ensemble de livres publiés/distribués par Les presses du réel, choisis par l’artiste à cette occasion.
beloved, let’s dance our way back home (these times of rage, joy, grief, and renewal require furious dancing)
– Seungduk Kim & Franck Gautherot