Lee Bul
THE MONSTER SHOW

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Le Consortium
Curated by Franck Gautherot & Seungduk Kim
Lee Bul, “The Monster Show”, Le Consortium, 16 rue Quentin, 2002.
Lee Bul, “The Monster Show”, Le Consortium, 16 rue Quentin, 2002.
Lee Bul, “The Monster Show”, Le Consortium, 16 rue Quentin, 2002.
Lee Bul, “The Monster Show”, Le Consortium, 16 rue Quentin, 2002.

Née en 1964 à Yongwol (Corée), vit et travaille à Séoul.


 

Pour sa première exposition personnelle en France, sont rassemblées au Consortium / l’Usine des œuvres récentes appartenant aux séries Cyborgs et Monsters. Avec celles-ci, Lee Bul donne corps au mythe de l’homme-machine, alors que les médias font état des dernières prouesses scientifiques en matière de greffes d’organes ou de membres, d’implantation de puces électroniques, de clonage, de pilules pour rajeunir. Entre un confort thérapeutique et le mythe d’un monde gouverné par les machines, ses sculptures interrogent les techniques de remplacement, cristallisant imaginaire, fantasmes et peurs collectives d’une technologie qui prendrait le pas sur l’homme.

Après des études à l’Université de Hong-ik et déjà très engagée politiquement, elle co-fonde, en 1987, le groupe d’artistes Museum (qui signifie en coréen « peur »). Ses performances, en réaction à un certain conservatisme de la communauté artistique, mettent en scène son propre corps et affichent sa nudité. Constamment, dans son travail, les questions de genre (et les rapports à la sexualité), rencontrent des éléments autobiographiques.

À partir de 1991, elle utilise des poissons qu’elle décore et orne de perles (Majestic Splendor). Voués à la décomposition et la puanteur, démonstration du caractère éphémère de la beauté, ils renvoient à cette menace du temps qui pèse sur le corps féminin et que parures ou fragrances ne peuvent dissiper. Avec Hydra Il(Monument), 1999, elle pousse plus en avant la logique de la dualité masculin/féminin. Cette structure gonflable est un monument phallique qu’érige le visiteur en actionnant des pompes, dévoilant progressivement l’image érotisée d’une Lee Bul, vêtue d’un costume oriental et dont le sexe comme les seins sont masqués par des visages de bébés.

Très tôt, l’artiste convoque la figure du « monstre », créature hideuse, informe et grotesque. Ainsi en 1990, Sorry for suffering — You think l’m a puppy on a picnic? est une performance où elle se promène dans les rues de Tokyo sous la forme d’une apparition monstrueuse. Si les Monsters comme les Cyborgs appartiennent à l’univers de la science-fiction, à la différence de ceux-ci, ils échappent au contrôle de l’homme, laissant planer une menace sur son existence : par exemple, Monster: pink (1995) est une grosse masse (mi-animale mi-végétale), entremêlement de protubérances et de racines envahissantes, à base de rembourrage de coton et de silicone.

Inspirée des mangas et des films japonais omniprésents dans la culture coréenne, la série des Cyborgs questionne le mythe de la perfection technologique : Cyborg BlueCyborg Red (1997-98) et Cyborg W1-4 (1998) mettent ainsi en scène des êtres hybrides, fragmentés et dotés de pouvoir surhumains, dont le corps se réduit à un simple ensemble d’articulations.

Ces « wonder women » futuristes et incomplètes mettent en relief l’étanchéité qui préside à la répartition des fonctions entre les sexes :  la plupart de ces prétendues technologies scientifiques, la technologie informatique, l’industrie de pointe, etc., ont toujours été considérées comme un domaine réservé aux hommes, en fait, cette attitude est fondée sur l’idée populaire que les femmes ne savent pas se servir des ordinateurs ou qu’elles ne construisent pas des objets de haute technologie1.

À travers la figure ambiguë du cyborg, Lee Bul révèle et analyse l’image de la femme avec un ensemble de références allant de l’histoire de l’art occidental (telles que l’Olympia de Manet ou encore La naissance de Venus par Botticelli), jusqu’à sa représentation contemporaine dans la culture asiatique.

Figés dans des poses intemporelles, les cyborgs incarnent les icônes contemporaines de la féminité.

Réalisés en silicone, et ce n’est pas par hasard — c’est la matière fétiche de la technologie chirurgicale — ils renvoient à l’idéal de beauté féminine d’un corps gonflé, fabriqué sur mesure et aux lignes parfaites. Une promesse de bonheur néanmoins soumise aux désirs masculins. Les cyborgs restent avant tout des créatures sous contrôle d’un maître, un programmateur qui dirigera tous leur actes et fonctions.

Enfin, Amaryllis (1999), Supernova (2000) ou Siren (2000) évoquent davantage la machine, l’Alien ou l’intelligence artificielle. En opérant la synthèse entre Monsters et Cyborgs, elles s’offrent comme la combinaison plastique d’une prolifération de rhizomes et d’une configuration de lignes pures, aseptisées.
Alexandra Gillet

1. Lee Bul, « Cyborg et silicone », entretien avec Hans Ulrich-Obrist (www.artnode.se/artorbiV)