Sarah Lucas
NOT NOW DARLING
Sarah Lucas, 1962 (Londres)
Remerciements : Sadie Coles HQ, Londres; Gladstone Gallery, New York, Bruxelles.
Exposition réalisée avec le soutien de FUNDACIÓN ALMINE Y BERNARD RUIZ-PICASSO PARA EL ARTE
Dans l’imaginaire modelé par l’histoire de l’art des cinquante dernières années, on réserve souvent à Sarah Lucas la place qui revient aux agents provocateurs faisant de l’indiscipline, sinon une forme d’art, au moins une hygiène de vie. Ancienne élève du Goldsmiths College de Londres où elle fut diplômée en sculpture (ses récentes explorations de la couleur lui faisant a posteriori regretter de n’avoir pas plutôt étudié la peinture), associée à la fin des années 80 aux Young British Artists (elle a participé au Freeze show qui leur tint lieu d’événement séminal), elle est inévitablement associée aux sculptures qui firent son légitime succès. En particulier Au naturel (1994), matelas adossé contre un mur et sur lequel deux oranges et un concombre miment l’appareil génital masculin tandis qu’à côté, deux melons et un seau représentent un personnage féminin. Dans Two Fried Eggs and a Kebab (1992), un kebab a pris la place d’un sexe féminin sur un corps devenu table, deux œufs au plat faisant office de seins (lorsqu’elle exposa cette œuvre pour la première fois, Lucas vint changer les œufs au plat chaque matin) – œufs au plat dont elle s’affuble elle- même dans un autoportrait de 1996 (Self Portrait with Fried Eggs). En leur temps, ces sculptures étaient tellement chargées de provocation, tant dans leur forme que dans leurs narrations suggérées, que sembla passer au second plan cette étonnante façon de représenter des corps, c’est-à-dire la préoccupation principale de la sculpture classique. Regardée aujourd’hui en compagnie de Bunnies et de NUDS, et de leur coming out de sculptures aux préoccupations classiques justement, toute l’œuvre de Sarah Lucas semble éclairée différemment, et la représentation du corps y tenir le premier rôle.
Depuis leur première apparition, il y a plus de vingt ans, les Bunnies de Sarah Lucas, et leurs mutations génétiques qu’elle appelle les NUDS, ont connu des évolutions formelles qui ressemblent au développement d’une espèce inconnue et à son adaptation au biotope qu’est le monde contemporain. Elles sont la preuve (presque vivante) des extraordinaires capacités de sculptrice – et de coloriste – de l’ancienne “enfant terrible” des Young British Artists, qui ne s’est pas assagie en gagnant un peu en classicisme.
L'exposition NOT NOW DARLING[1] de Sarah Lucas au Consortium Museum présente un ensemble de sculptures récentes, pour la plupart réalisées à partir de collants rembourrés, parfois fabriquées en bronze ou associées à du mobilier (tabourets, chaises de bureau, fauteuils). L'exposition se prolonge dans la cour du Consortium Museum dans laquelle trône Champagne Maradona, sculpture en bronze peint de plus de 4 m de haut, exposée pour la première fois en France.
—Éric Troncy
[1] « Pas maintenant chéri »