Vassiliki Tsekoura
Vassiliki Tsekoura
Vassiliki Tsekoura exposait une seule sculpture dans la principale et vaste salle de l’Usine. Cette oeuvre n’occupait pas l’espace, elle s’interposait entre le visiteur et lui. Fi du in situ et en dépit du jeu linéaire de ses éléments (évoquant les Appareillages spatiaux des frères Sternberg en 1919), une existence qui s’impose au-delà de la seule idée abstraite de construction. Et ce, car la présence évocatrice des trois rouleaux (directement empruntés à « l’image » de la machinerie d’un portique de lavage automatique pour automobiles) lui superpose une réalité prosaïque et contemporaine, tirant alors cette sculpture du côté d’un anti Monument à la Troisième Internationale, aux antipodes de l’aspiration utopiste Tatlinienne. Pourtant il n’était en aucun cas question de faire semblant. En l’absence de tout fonctionnement instrumental possible (rien ne bouge) et quand bien même la sculpture se dressait telle un obstacle sur le chemin d’une prétendue prise en compte (et maîtrise) de l’espace, elle s’intercale avec la même force entre un vécu (le quotidien de l’objet référencé perçu à travers son fonctionnement utilitaire banal, qu’elle se refusait à simplement enregistrer sur le mode précis du ready made ou celui plus approximatif de l’assemblage) et un à venir où elle mise sur sa capacité à catalyser d’autres fonctions moins strictement aliénantes et consuméristes. Comme la source d’un effet déclencheur où il n’est pas uniquement question d’obliger le percevant à se positionner dans les trois dimensions vis à vis de l’objet sculptural, mais bien aussi à envisager l’humain dans sa relation aux autres et à un temps d’activités nouvelles. Un dispositif affichant sa présence matérielle, se démarquant de l’immédiateté de l’installation ou des stratégies d’inter-activité, et pourtant susceptible de provoquer et gérer des rencontres à notre propre échelle individuelle et sociale. Un lieu de résistance face à la banalisation de l’oeuvre entre production et diffusion, un pôle d’émergence de l’humain entre travail et loisirs. Et même si cette sculpture de Vassiliki Tsekoura ne peut agir comme la grande cheminée design de Xavier Veilhan (dont le foyer accessible des quatre côtés servait de point de ralliement convivial au centre de la récente exposition Traffic qu’organisa le critique de l’ »esthétique relationnelle » Nicolas Bourriaud à Bordeaux), ses formes appartenant au répertoire d’une génération différente, ne vaudrait-il pas mieux cependant évoquer à son sujet les Objets en moins de Pistoletto (plutôt que la plus immédiate référence à certaines pièces de Kounellis que par ailleurs elle admire), au moment où il écrivait « qu’il faut se préparer à être » ou encore que chacune de ses créations « est une libération et pas une construction qui me représente », voire même l’approche nourrie d’anthropologie de Richard Nonas déclarant que « la sculpture est l’objet tout juste humanisé… l’objet juste assez humanisé pour qu’on reconnaisse (et même accentue) l’ambiguïté inévitable de notre -de sa- place dans le monde »
Xavier Douroux, « Car-Wash » in Arti, 1995